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     Sans doute cette formulation de "néo-fantastique"  déconcertera-t-elle plus d'un lecteur, d'une lectrice. En quoi le fantastique pourrait-il prétendre à une quelconque nouveauté ? Et, si nouveauté il y a, en quoi peut-elle bien consister ? Mais avant de poursuivre, il convient de donner une définition précise autant que concise de ce qu'est le fantastique :

 

  "Le fantastique est un registre littéraire que l'on peut décrire comme l’intrusion du surnaturel dans le cadre réaliste d’un récit."

                                                                                  (Source : Wikipédia)

 

  Si, d'aventure, vous vous risquez à lire l'un des textes qui figureront sous cette rubrique, vous ne manquerez d'être étonnés. Sans doute ce fameux "surnaturel", métamorphosant l'expérience ordinaire que nous avons des choses, vous apparaîtra-t-il sous la forme de l'énigme. C'est bien le moins dont nous puissions l'investir. Sinon autant dire l'existence dans sa pure évidence, sinon dire la réalité dans sa plus totale concrétude.

  Le parti est donc pris de jouer avec la nature du récit afin de l'amener à signifier imaginativement, dans une estompe onirique, dans un flou se situant sur les rives à peine esquissées  d'une confondante narration. Car, à vouloir faire surgir ce qui, par nature, est proprement innommable, hautement improbable, constamment invisible, il faut avoir recours à une expérience langagière nouvelle. Le lecteur, la lectrice, seront situés en un lieu à partir duquel le texte leur faisant face se métaphorisera à la manière d'une utopie, un genre de Farghestan - (voir l'œuvre de Julien Gracq : "Le Rivage des Syrtes") - qu'un constant brouillard occulte à la vue. Conséquemment, le travail d'immersion dans le texte résultera aussi bien d'un effort du lecteur que de celui de l'auteur. Le fantastique sera la médiation, l'espace intermédiaire prenant place dans la triade texte - lecteur - auteur. La "vérité" de l'écrit n'appartenant, par définition, à aucune des entités particulières précitées.

  Mais le "néo" doit davantage être explicité, faute de demeurer dans une sorte d'indécision. D'ordinaire, les œuvres fantastiques le sont en elles-mêmes, de l'intérieur si l'on peut dire, leur monde clos justifiant, en grande partie, leur classement dans ce registre. "La Ligne 27", si elle crée bien un univers qui lui est particulier, ne s'en affranchit pas moins de ses frontières pour se porter vers une autre sphère signifiante, nous voulons dire la référence à un texte littéraire qui lui est antérieur dans le temps. Il s'agit des  "Chants de Maldoror", avec lesquels sont entretenus, à travers la narration fictive, des liens permanents, manière d'écho ou de réverbération. Cependant que l'on n'aille pas s'imaginer que dans l'esprit de l'auteur la moindre homologie ait pu exister entre les deux textes. C'est bien "Maldoror" qui a inspiré, a créé la trame à partir de laquelle Youri Nevidimyj a consenti à faire phénomène, à nous proposer son parcours erratique, chaotique, placé essentiellement sous les auspices d'une folie récurrente. Youri, privé d'une origine fondatrice, flottant dans le monde comme un fétu de paille sur des eaux pléthoriques et désordonnées, joue en miroir avec Ducasse-Maldoror dont il devient, en une certaine manière l'avorton, le pauvre diable constamment aspiré par les remous d'une existence aporétique.

  Au travers de cette histoire abracadabrante, gonflée de bulles qui, constamment, éclatent à la figure de ce Déraciné comme autant de grenades post-révolutionnaires, comme autant de petites et acharnées mises à mort d'une généalogie, sinon totalement absente, du moins hasardeuse, du moins condamnable - on ne naît pas impunément d'une union prolétarienne et d'une aristocratie triomphante - , au travers donc de ces déambulations vers une toujours accueillante trappe définitive aux allures de Néant, c'est essentiellement un hommage à l'infortuné et paumé et génial Isidore Ducasse et à son ombre symbolique, le diabolique Maldoror, que ce texte essaie de rendre un modeste hommage.

  L'histoire est certes d'un abord difficile, heurté, parfois tutoyant les limites de l'incompréhensible, toujours portée, volontairement, sur des fonts baptismaux s'effaçant à mesure qu'ils apparaissent. Nevidimyj est un individu de cette nature sur lequel aucun discours consistant ne peut être tenu. On n'édifie rien de stable sur le sol approximatif et gorgé d'eau de la taïga.

  Mais, après ces précautions d'usage, comme si, à l'instar du "Salaire de la peur", lisant "La Ligne 27",  on trimballait, accroché à ses basques, quelques tonneaux brinquebalants de nitroglycérine, maintenant la tâche vous incombe. Même si, dès les premières phrases, les premiers linéaments de l'histoire, vous peinez à suivre, même en cas de détestation - certains textes sont comme minés et vous menacent à chacun de vos pas -, poursuivez votre chemin. D'une part il sera utile à la réhabilitation symbolique du pauvre diable dont il est question - mais ne nous projetterions-nous pas dans les traces qu'il ouvre sous nos pas à notre insu ? -, d'autre part il constituera une reconnaissance d'une des œuvres majeures de la littérature contemporaine. Nous voulons, bien entendu, parler des "Chants de Maldoror" !

Bonne lecture et que votre calvaire soit à la hauteur du "misérable miracle" - (pour parodier Michaux) - qui court tout au long de l'imaginaire dérive. Parfois, lire, ne consiste qu'en une navigation parmi des écueils, en une route hasardeuse tracée de Charybde en Scylla !

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